La présenter analyse nous a été proposée par un fervent lecteur de congovirtuel.org. Sa pertinence par rapport au contexte socio-politique et financier international, couplé à l’enjeu de l’apaisement en cette période des élections, nous a convaincue de le proposer au grand public pour enrichir le débat sur le devenir de la RDC au-delà des ambitions politiciennes et face au besoin de défense et de préservation de l’intérêt national avant tout.
Depuis l’accession du Pays à la souveraineté politique le 30 juin 1960, l’élection du 30 décembre prochain est un événement sans pareil dans l’histoire de la Nation. Il ne s’agira pas d’une élection mais plutôt d’un referendum : pour ou contre la jonction de la souveraineté économique à l’indépendance politique ? C’est de cela qu’il s’agit en réalité.
Afin que nul n’en ignore, Martin Fayulu, Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe et Emmanuel Ramazani Shadary jouent en levée des rideaux : plongez le regard au fond de la scène, vous verrez les vrais acteurs se livrer un combat fratricide. D’un côté, il y a Genève et de l’autre Kinshasa. Le premier est comparable à Goliath et le second à David, petit mais d’un courage à revendre. Qui l’emportera le 30 décembre 2018 ? Le vaincu se rendra-t-il ? Rien n’est moins sûr.
Le Genève dont question ici n’est pas celui de Lamuka. Dans les lignes qui suivent, le lecteur établira ou non lui-même le lien entre ce Genève là – celui de Lamuka – Mining Indaba et – la Fondation Kofi Annan.
Il y avait déjà le divorce avec la signature des contrats Chinois à travers lesquels les partenaires classiques voyaient deux risques majeurs : Kabila devenant ingérable et la Chine envahissant la sacro-sainte réserve des minerais stratégiques qu’est la RDC au détriment des puissances de Berlin. A ce propos un parlementaire Belge aurait lancé à Louis Michel à peu près : « Vous étiez prévenu, cet enfant est plus dangereux que son père, pendant six mois il a négocié avec les Chinois sans rien vous dire alors que vous étiez un habitué de sa table« . La cohabitation n’a plus été possible. Kinshasa a déclenché les hostilités fin janvier 2018 avec l’adoption du nouveau Code minier par les deux Chambres avant de notifier l’état de guerre à ses partenaires le 05 février au Cap, en Afrique du Sud, au forum Mining Indaba auquel tous les grands miniers du monde prennent part annuellement.
La virulence des échanges
Albert Yuma, patron de la Fec congolaise, après avoir soutenu dans son adresse que les partenaires de la Gécamines roulaient celle-ci depuis une quinzaine d’années et brandi la menace de nationalisation, a ajouté : « Les congolais ne doivent pas rester spectateurs de l’exploitation de leurs richesses. Ils doivent en bénéficier. Le monde aura toujours besoin du cobalt. Si vous quittez aujourd’hui la RDC, les autres viendront demain. En vertu de quel principe, les compagnies doivent s’opposer aux lois du pays hôte qui est un Etat souverain? » Avant d’apporter la preuve : « En 2016, les sociétés internationales minières présentes au Katanga ont réalisé 2,6 milliards de dollars (américains, c’est moi qui précise) de revenus, sur lesquels seulement 88 millions ont été versés à la Gécamines. C’est inacceptable ».
Mark Bristow, patron de Randgold, lui répond, au nom des miniers présents dans la salle : « …La RDC veut tout gagner avec sa nouvelle fiscalité, alors que les compagnies sont sous pression et luttent pour l’amortissement des investissements. L’Etat aujourd’hui est hanté par l’idée de rattraper son retard de développement par les investissements existants. Il devrait penser à ce qui manque cruellement au pays. Il faut songer aux nouveaux investissements. »
Martin Kabuelulu, Ministre des mines de la RDC, dira en aparté à Bristow : » Pourquoi revenir sur le code? Tout a été dit pendant les discussions tripartites. La loi a été votée au Parlement et est sur la table du Chef de l’Etat qui doit la promulguer. Le Gouvernement ne peut rien. Si vous la contestez, saisissez la Cour constitutionnelle. »
Et quand arrive son tour de s’adresser à la communauté minière mondiale, la colère l’emportant sur les réserves diplomatiques, emboitant les pas à Yuma, Kabwelulu clame : » La révision de la loi ressemble au feu de brousse. Les herbes sont brulées par le feu, mais d’autres poussent toujours après les pluies. Les miniers mécontents du nouveau code n’ont pas raison car ils avaient pris une part active durant son élaboration. S’ils quittent aujourd’hui, les autres viendront. Les richesses appartiennent à la RDC. Il est inacceptable que les richesses profitent aux multinationales et les congolais croupissent dans la misère. Les réalisations sociales tant vantées par les miniers ne sont que du bluff. La situation par exemple des populations délocalisées et relocalisées par certaines compagnies n’a rien changé. Elles sont toujours pauvres. L’environnement est dévasté. Que représentent les petites maisons de quelques mètres pour des gens qui perdent leur patrimoine ancestral ou culturel dont les terres, les forêts et les rivières ? Où est le développement? »
L’image trop forte du feu de brousse ayant marqué les esprits, la réplique de Bristow à Kabuelulu sera une véritable déclaration de guerre : » Vous risquez de tout brûler sur votre passage ». C’est la réponse d’un locataire qui a bénéficié de la stabilité du loyer pendant 16 ans sans reconnaitre au bailleur le droit de le revoir au taux du marché : » Si tu t’entêtes tu ne seras pas là demain pour me réclamer le peu que je te paie ». Est-ce le feu d’Indaba qui a brûlé le dépôt de la CENI et son Antonov ? On n’en a pas la preuve. Mais est-ce le dernier?
Yuma et Kabuelulu seraient-Ils devenus fous pour s’adresser ainsi à nos partenaires (l’autre dirait les Blancs)? Non, la RDC est incontournable en ce moment. La transition climatique impose au monde la migration vers le véhicule électrique dont la batterie ne pourra se passer du cobalt. Et le Congo possède plus de la moitié des réserves mondiales connues de ce métal intervenant également dans la fabrication des batteries des téléphones mobiles. Les commandes explosent. Le cours du cuivre a connu une hausse de 13% en 2017 et celui du cobalt 127%. Ils savent que c’est aujourd’hui ou jamais le moment où il fallait absolument faire passer ces réformes. Ils savent également que la fiscalité du nouveau code minier laisse une très confortable marge bénéficiaire à nos partenaires de bonne foi. La preuve, aucun n’est parti depuis. Par contre Boss Mining SAS (ENRC) a signé le 10 décembre courant avec la Gécamines un accord portant la part au capital de la RDC de 30 à 49%. Freeport (TFM), le leader mondial du cuivre, s’est relativement tenu à l’écart de ces débats autour de la révision du code minier. Donc, l’Exécutif a fait sa part, le Parlement et le Sénat ont fait la leur de même que le Chef de l’Etat, après 8 heures de débats avec les représentants de 7 multinationales minières opérant en RDC, leur a signifié son refus de s’opposer à la décision des élus du Peuple et le nouveau code minier a été promulgué le 09 mars dernier. Que soit donc maudit tout celui qui aurait pris des engagements pour y revenir en échange du pouvoir.
Genève abrite le siège du Forum Economique Mondial, connu généralement sous le nom de Forum Economique de Davos, le club des sociétés transnationales du monde. Les géants mondiaux du secteur de l’automobile, du téléphone mobile, des ordinateurs et du secteur minier sont co-fondateurs ou membres du Forum de Davos. Tous sont intéressés et partie prenante au débat sur le Code minier congolais.
Depuis les années 70, il a été constaté des dérives dans la pratique de la mondialisation dans le chef des multinationales à travers le monde notamment en matière des droits de l’homme, des droits sociaux et d’environnement. Le prix de vente de leurs matières premières et les conditions du bénéfice des investissements directs sont imposés aux pays pauvres. A qui il est demandé en plus de mettre en place des politiques attractives, toujours vers le bas pour attirer les capitaux étrangers (cas du code minier congolais promulgué en 2002 et assorti d’une clause de stabilité pour dix ans et qui n’a pu être révisé qu’en 2018 au lieu de 2012 pour des raisons évidentes). En 1974 déjà, Salvador Allende déclarait à la tribune des Nations Unies: » Les Etats ne sont plus maîtres de leurs décisions fondamentales à cause des multinationales qui ne dépendent plus d’aucun Etat. » Ce constat conduira en 1977 le Groupe de 77 à tenter de faire adopter par les Nations Unies un code de conduite devant être imposé aux multinationales, devenues avec les ONG internationales partenaires de l’ONU, code de conduite assorti des sanctions le cas échéant. Car il était établi qu’en l’absence de l’assainissement de l’environnement international, les efforts internes des Etats pauvres ne suffiraient pas pour se développer. Face au refus d’y adhérer de la part des Transnationales, ce code n’a pu voir le jour.
En 2000, Kofi Annan, Secrétaire Général de l’ONU (Allan Doss figure alors parmi ses principaux collaborateurs), trouvera une parade pour faire à tout prix des multinationales des partenaires des Nations Unies. Il mettra en place le « GLOBAL IMPACT ». Il s’agit d’une convention taillée sur mesure, au goût des multinationales et non assortie d’une quelconque sanction. Les objectifs affichés sont ceux poursuivis par le Groupe de 77 mais en réalité, le Global Impact enterre à jamais toutes les initiatives juridiques visant à intégrer le secteur privé mais avec une redevabilité avérée aux idéaux et valeurs éthiques de l’ONU. Ainsi, fort du Global Impact, le Forum de Davos peut blanchir ses activités à travers le monde en se servant du label Nations Unies.
Contrairement à Amnesty International et dix autres grandes ONG internationales, Greenpeace refusera de signer la Convention. Les membres du Forum de Davos eux rendront l’ascenseur au Secrétaire Général en acceptant de jouer les mécènes des organismes de l’ONU. CNN se portera garant pour financer les programmes onusiens à hauteur d’un milliard de dollars américains sur 10 ans. Microsoft a versé 400 millions à l’OMS, etc.
Dans la foulée, le Forum de Davos n’oubliera pas non plus son bienfaiteur. Il lui financera la Fondation Kofi Annan dont le Siège est également à Genève. Et celle-ci à son tour offrira ses bons offices à LAMUKA. Sur la base de quels critères Genève a choisi 7 participants sur une liste de vingt ?
On dit dans ma langue maternelle que l’on abat le serpent avec le bâton que l’on a entre les mains. Aujourd’hui ce bâton n’est autre chose que la rente minière devant découler de l’application stricte et effective du Nouveau Code Minier. C’est cette rente rendue accessible par la situation actuelle du marché (les produits miniers représentent aujourd’hui 90% de nos exportations) qui financera la diversification de notre économie. Et c’est celle-ci qui assurera le BIEN ETRE DURABLE de nos populations. La bonne gouvernance a un coût car elle exige en amont des profondes réformes et le renouvellement du capital humain. La bonne volonté et l’amour affiché du Peuple ne suffit pas. Celui qui dit autre chose ment au Peuple.
Si donc chacun comprend que l’enjeu principal de ces élections est d’abord et avant tout vital, car il s’agit de consolider définitivement notre souveraineté à travers le choix du candidat qui incarne le mieux cet espoir quel qu’il soit, la campagne sera moins passionnelle. C’est une attitude, une posture de tout un peuple face à l’ennemi commun qu’il faudra élire et non une tribu ou une langue.
Si quelqu’un parmi les candidats a ajouté foi à des promesses occidentales d’être aidé demain, il est temps qu’il se ravise. Le Président Kabila en sait quelque chose. C’est feu Dos Santos qui lui a dit : « Allez en Chine, ils vous feront marcher, en fin de compte vous ne recevrez rien, c’est ce qu’ils m’ont fait. Ils ont déjà trop de problèmes chez eux, ils vous aideront avec quoi? ». Il avait raison. L’Europe est aujourd’hui dans la même situation qu’au 15ème siècle où pour survivre elle a dû aller à la conquête de nouvelles terres. La raison en est simple. Elle a détenu pendant longtemps le monopole de la qualité. Tout ce qui brille là-bas vient de la rente de ce monopole.
Aujourd’hui elle se le dispute avec ceux qui savent vivre avec peu alors que, d’une part, elle ne peut remettre en cause son train de vie actuel. D’autre par, elle doit vendre sur le même marché avec ceux-là. Résultat : à chaque augmentation des impôts et du smig suivront des délocalisations. Les impopularités succéderont aux impopularités. Ce n’est pas une question de compétence car tout le monde en France, par exemple, vient de Saint Cyr, Sciences Po et Ena. Ajouter à cela tous les problèmes sécuritaires, ont-ils encore le temps d’aller au lit avec nos problèmes d’un président africain à cœur ? Prenons-nous en charge.
Quel que soit celui qui sera élu, souvenons-nous que nous avons le Gouvernement d’Union National dans le sang. Mobutu a tendu la main aux Kasa-Vubu et aux Lumumba. Kabila a gouverné avec les Mobutu et regardez autour de lui combien des mobutistes et des rcdistes il y a. Nous avons connu le 1+4. Il en sera de même demain. Personne ne sera totalement et définitivement exclu, ni Katumbi ni Bemba.
Frédéric Kabasele
Réviseur Comptable