Herman Cohen a ouvertement recommandé à Tshisekedi de s’affranchir de Kabila. Idem pour la Ceno qui lui demande d’assumer « pleinement » ses responsabilités. Lamuka le considère comme un « masque » ou une « marionnette » de Kabila. Les gouvernements occidentaux ne cachent pas leur contrarié face à la formule de coalition FCC-CACH. Tout est donc fait pour démonter cette alliance en dressant les coalisés les uns contre les autres. Dans ce jeu du chao, Félix Tshisekedi est ce pilier qui subit toutes sortes de séduction pour s’affranchir de Joseph Kabila.
Ne chose à souligner avant d’aller plus loin : la coalition entre le FCC et CACH n’a rien d’illégal ni de contradictoire, et moins encore de suspect. Il s’agit d’un arrangement politique normal entre deux forces politiques post-électorales qui s’entendent pour une co-gouvernance. Un arrangement dicté par l’issue des élections qui a vu l’institution Président de la République remportée par une famille politique (CACH), tandis que l’exécutif national passait (demeurait) sous le contrôle d’une autre famille (FCC) conformément à la Constitution qui attribue l’exécutif nationale à la majorité parlementaire.
L’exercice politique du genre est, certes, nouveau en ce que la RDC est la première (du moins jusqu’à preuve du contraire) à l’expérimenter, tandis qu’ailleurs, des cas post-électoraux similaires se soldaient par une cohabitation, comme deux fois en France. Mais, pour le reste, il n’y a rien à circuler et on ne devrait pas se demander pourquoi cela chagrine certains.
Quand Félix Tshisekedi coupe court à la spéculation sur la coalition FCC-CACH
Interrogé à ce sujet dans son entretien avec RFI et France 24, le Président de la République, issu de la plate-forme CACH, a été clair pour dissiper, une fois pour toutes, les rumeurs sur la nature de ce « deal », autrement appelé « arrangement à l’africaine » par les occidentaux. « Au départ, il y avait un accord verbal pour coaliser nos forces. Parce que la situation est inédite. On n’a jamais eu un président d’un autre bord politique et une majorité parlementaire différente », relate Félix Tshisekedi qui décline la suite du «deal » : (…) On s’est dit : ok, l’idée est là ; on lève l’option de coaliser d’autant plus qu’idéologiquement, nous avons une même sensibilité, c’est-à-dire sociale-démocrate. Maintenant, il faut se mettre d’accord sur le programme du gouvernement, sur la formation même de ce gouvernement, des hommes et des femmes qui vont le composer. Et c’est tout cela que nous sommes en train de faire actuellement ».
Pour le chef de l’Etat, cette formule de coalition lui parait plus utile pour le Congo qu’une simple cohabitation : « Au lieu de la cohabitation qui aurait été assez, moi je pense dramatique pour notre pays, parce que jamais vécue, nous avons opté pour la coalition parce que, comme je le disais, nous avons une même approche idéologique. Donc ce serait beaucoup plus facile de coaliser nos forces ». Et de conclure : « Le reste, cette spéculation qui prétend à dire qu’il y a eu des arrangements, qu’il y a eu des deals… Si deal il y a, il n’y a que ce deal de mettre nos forces ensemble, c’est tout ».
Mais en fait de spéculation, il y en a eu et il y en a encore, mais ce n’est pas tout. La réalité est que la formule d’une coalition n’arrange pas du tout les affaires de certains milieux politico-affairistes au pays comme à l’étranger. Pour la simple raison, que ces officines estiment ne pas pouvoir influer sur le nouveau pouvoir comme ils l’auraient souhaité en raison du partage de ce pouvoir par le FCC qui est une plate-forme souverainiste, trempée à la vision tout aussi souverainiste de son autorité morale, Joseph Kabila Kabange.
On comprend, dès lors, cette sorte de mise en garde sibylline à Kabila par Herman Cohen qui, dans une interview à Top Congo, recommandait à l’ancien Président de se tenir loin des affaires de l’Etat s’il tient à remplier un jour. L’on comprend aussi cette recommandation tout aussi sibylline de la Cenco au Président Tshisekedi à qui elle demande d’assumer « pleinement » ses fonctions.
Idem pour cette attitude répétée de l’aile radicale de Lamuka. Pas plus tard que ce dimanche lors de la marché non actée par la ville, Martin Fayulu traitait Félix Tshisekedi de « masque » et de « marionnette » de Joseph Kabila qu’il continue de considérer comme le détenteur effectif du pouvoir.
On est là en face d’un front contrarié par la formule de coalition que ces mêmes officines semblent avoir juré de mettre en échec afin d’avoir les coudées franches dans leur équipée de contrôle du nouveau pouvoir. Cet élan n’est pas que l’apanage de ces officines politico-affairistes. Mais des capitaux occidentaux y sont pleinement engagés avec pour souci majeur de faire imploser la coalition en essayant de dresser ses leaders les uns contre les autres. On a, en effet, déjà entendu le genre de discours subliminal de la Cenco du côté de Washington lors du séjour du Président Félix Tshisekedi.
De même cet empressement de ces occidentaux (américains, belges, français, Fmi, banque mondiale) à renouer avec un pays qui n’a pas encore toutes ses institutions en place et pleinement fonctionnelles suffit à mettre la puce à l’oreille de tout observateur averti. Il est, en effet, contradictoire que ce soit les mêmes Occidentaux, si à cheval sur les principes, qui viennent « dealer » avec le Chef de l’Etat congolais tout en sachant qu’il n’a pas encore de Gouvernement pour prendre des engagements jusqu’à un certain niveau tout en demeurant en conformité avec les dispositions constitutionnelles.
De deux choses l’une dans ces sollicitations : soit on entête Fatshi pour le pousser à s’affranchir de la coalition FCC-CACH, soit on le pousse à la faute par des actes de gestion qui finissent par fâcher dans le camp FCC. Dans les deux cas, c’est l’édifice FCC6CACH qui est ciblé pour être anéanti, même s’il faut en arriver à un chaos politique et institutionnel.
Et dans ce cas d’espèce, les Occidentaux n’en seraient pas à leur première initiative. En 64-65 déjà, à travers la manipulation de Mobutu, les Occidentaux avaient réussi à entêter Kasa-Vubu au point que celui-ci tenta, par deux fois, de s’affranchir de ses obligations constitutionnelles devant la configuration politique et institutionnelle qu’imposait l’issue des élections de 1964. En effet, alors que Moïse Tshombe détenait la majorité au parlement et devenait, de droit, Premier ministre, Kasa-Vubu – qui avait déjà à son compteur plus de trois Premiers ministres dans la période très tumultueuse de 1960 à 1964, et ce malgré le bref coup d’Etat de Mobutu – Kasa-Vubu donc préféra jeter son dévolu sur Evariste Kimba qui, lui, sera rejeté à deux reprises par le Parlement.
La confusion politique et la crise institutionnelle ainsi nées profite à Mobutu qui, pour la seconde fois, prendra le pouvoir pour le conserver pendant 32 ans, d’une main de fer et avec le soutien des mêmes occidentaux.
Jonas Eugène Kota