Justice : Le PG Victor Mumba écrit à Tshisekedi et exempte Matata Ponyo de toute poursuite

Une lettre vieille de trois mois jette une nouvelle lumière sur les dossiers judiciaires d’Augustin Matata Ponyo. L’on sait, en effet, que l’ancien Premier ministre avait fait l’objet d’un procès à la Cour constitutionnelle sur l’affaire des présumés détournements des fonds du projet du parc agroalimentaire de Bukangalonzo et qu’il avait été entendu en pré-juridictionnel sur l’affaire de l’indemnisation des victimes de la mesure de zaïrianisation sous le régime de Mobutu dans les années 70’.

Si, pour le deuxième dossier, Matata Ponyo avait été renvoyé de fin de toute poursuite après avoir été mis formellement hors de cause, il n’en est pas le cas pour la premier dossier, même si la Cour constitutionnelle avait déjà rendu un arrêt dans lequel elle s’était déclarée incompétente de poursuivre un ancien Premier ministre pour des faits infractionnels qu’il aurait commis dans l’exercice de ses fonctions. Malgré cet arrêt, en effet, Matata Ponyo peine à obtenir la notification. Celle-ci est censée consacrer la clôture du dossier et devrait permettre au récipiendaire de recouvrer ses immunités au Sénat.

Tshisekedi saisi du dossier judiciaire de Matata Ponyo

La lettre dont question, et dont Congo Virtuel a pris connaissance, est datée du 02 février 2022 et signée par le Procureur Général près la Cour de cassation, Victor Mumba Mukomo. Celui-ci s’adresse au Président de la République à qui il transmet son rapport sur le dossier ministère public contre Matata Ponyo et consorts, dossier qui lui avait été transmis par le parquet général près la Cour constitutionnelle.

Résumant ce rapport établi après « examen minutieux » du dossier, le PG Victor Mumba note d’abord que « toutes les infractions commises par le Premier ministre pendant ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ne peuvent être jugées que par la Cour constitutionnelle (articles 163 et 164 de la Constitution) ». Il relève ensuite que « s’étant déclarée incompétente (ndlr : la Cour Constitutionnelle) à connaître des poursuites engagées contre les prévenus Matata Ponyo et consorts, aucune autre juridiction ne peut engager une action pour ces mêmes faits contre l’ancien Premier ministre ».

Poursuivant ses observations, le PG près la Cour de cassation note que « les arrêts de la Cour constitutionnelle sont immédiatement exécutoires et s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 168) ».

Et en conclusion, Victor Mumba Mukomo fait savoir au Chef de l’Etat, magistrat suprême, que son office « ne pourra instruire qu’à charge de ceux qui ont participé à la commission de ces faits selon l’un des modes de participation criminelle, non revêtus de cette qualité lors de leur commission ». En clair, le PG près la Cour de cassation se déclare à son tour incompétente de poursuivre un ancien Premier ministre, et cela à double titre.

D’abord du fait de la Constitution (articles 163 et 164) qui exempte un ancien Premier ministre de poursuites pour des faits infractionnels qu’il aurait commis pendant ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Ensuite du fait que le dossier soumis à son examen a déjà fait l’objet d’un procès à la Cour constitutionnelle dont les arrêts sont opposables à tous, autorités publiques comme administratives et judiciaires.

La résistance suspecte du PG Mukolo mise à mal

Dans le fond, ces conclusions du parquet général près la Cour de cassation rejoignent celles de la Cour constitutionnelle tout en rappelant et soulignant que les décisions de cette haute cour sont inattaquables et s’imposent à tous. Ce dernier aspect conduit les juristes à la conclusion selon laquelle le dossier Bukangalonzo devrait être clos et classé, dès lors que c’est Matata Ponyo qui en était l’accusé principal. Or, à ce jour, l’on continue à assister à une résistance, à la limite d’une rébellion, du Procureur général Jean Paul Mukolo Nkokesha face à l’arrêt tendu par la Cour constitutionnelle.

Jusqu’aujourd’hui, en effet, le greffe chargé de notifier Matata Ponyo l’arrêt ne l’a toujours pas fait puisque tenu en respect par l’office du PG Mukolo. Le même office n’a pas, non plus, transmis l’arrêt au bureau du Sénat pour lui permettre de rétablir les immunités de Matata Ponyo qu’il (le bureau du Sénat) avait levées dans les conditions rocambolesques que l’on connaît Plus encore, le PG Mukolo continue de maintenir les mesures restrictives de mouvement qu’il avait communiquées à la DGM, en sorte que Matata Ponyo ne sait pas quitter la ville de Kinshasa. Le dernier cas en date est celui du deuil de sa sœur auquel il n’avait pas pu assister parce que la DGM lui avait interdit de prendre l’avion qui devait l’emmener à Lubumbashi.

La question qui continue de tarauder les esprits et les bonnes consciences est de savoir d’où Mukolo Nkokesha tire ce courage et ce pouvoir de fouler au pied les dispositions constitutionnelles pour s’opposer à l’exécution d’un arrêt de la Cour constitutionnelle. Les mêmes questions se posent quant au comportement de la DGM et de l’ANR qui continuent d’appliquer une instruction, à tout point de vue, illégale du PG Mukolo.

Brefs, des attitudes qui continuent à convaincre Matata Ponyo et les observateurs avertis qu’on est là face à une opération politique visant à couler un potentiel à la prochaine présidentielle.

On ne peut, en effet, penser autrement après que tous les dossiers judiciaires contre Matata Ponyo ont connu un traitement régulier jusqu’à être porté à la connaissance du magistrat suprême depuis trois mois, mais toujours sans suite.

JEK

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